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L'Autriche, modèle pour la restitution de l'art spolié par les nazis

1998
1970
1945
RTS 3 May 2022

Depuis près de 25 ans, une commission est chargée d’enquêter au sein des collections publiques en Autriche, afin de débusquer les oeuvres d'art spoliées par les nazis. Le pays se présente aujourd'hui comme un exemple dans leur restitution aux familles dépouillées.

Une loi a institué en 1998 en Autriche une commission spéciale rassemblant une dizaine de chercheurs. Leur mission est d'inspecter les collections publiques du pays pour identifier les objets et oeuvres d'art spoliés par les nazis afin de les restituer.

"Nous n'attendons pas qu'une réclamation soit déposée (…), notre mission est d'examiner systématiquement tous les objets et toutes les acquisitions faites durant la période nazie mais aussi entre 1933 et 1938 ainsi que dans l'immédiat après-guerre", explique l'un des membres de la commission lundi dans l'émission Tout un monde de la RTS.

"Travailler sur les petites collections est plus compliqué"

Depuis près de 20 ans, Leonhard Weidinger sonde les réserves du Musée des Arts Appliqués de Vienne (MAK). "Nous regardons chaque pièce et nous essayons de trouver des documents pour chacune d'entre elles. Ensuite je peux dire si un objet a potentiellement été spolié", poursuit-il.

Pour les grosses collections, comme la collection Rothschild, ce travail a en grande partie déjà été fait, même s'il reste toujours ouvert. Aujourd'hui, Leonard Weidinger travaille sur des collections plus modestes, pour lesquelles il y a moins d'indices. "Travailler sur les petites collections, pour lesquelles il n'y a ni inventaire ni de photos, est plus compliqué. Elles ont été démantelées et revendues", souligne-t-il.

Plus de 62'000 pièces déjà restituées

Ces chercheurs ne travaillent pas pour les musées mais bien pour la commission. Et leurs découvertes sont examinées par un conseil, qui décide ensuite s'il peut y avoir ou non restitution. Cette garantie d'indépendance a permis, en 20 ans, d'ordonner la restitution de plus de 62'000 pièces.

Il peut s'agir de tableaux de maître, mais aussi d'objets du quotidien bien plus modestes. A l'exemple d'une collection de Mandlbögen (théâtres miniatures en papier) que l'Autriche a récemment restituée à Maria Hochreiter. Elle appartenait à son grand-oncle Moriz Grünebaum, déporté et mort dans le ghetto de Theresienstadt en 1942.

"La restitution d'un passé gardé sous silence"

"On ne m'a pas uniquement restitué des Mandlbögen", explique-t-elle. "Grâce à la biographie de mon grand-oncle, j'ai appris beaucoup de choses sur ma propre famille. C'est donc la restitution d'une personne, mais aussi de ma famille et d'un passé gardé sous silence".

Ce travail est salué par l'Israelitische Kultusgemeinde Wien (IKG), organisation qui représente les juifs d'Autriche et pour laquelle oeuvre Erika Jakubovits. Un immense travail est fait pour inspecter les collections publiques, reconnaît celle-ci, mais il faudrait aussi ouvrir le débat sur les œuvres spoliées qui sont aujourd'hui la possession d'institutions et de personnes privées.

"Chacun doit faire quelque chose"

"Le domaine privé représente une grande inconnue, car on ne sait pas combien d'oeuvres sont en possession privée et comment elles sont arrivées là", constate Erika Jakubovits. "Chacun doit faire quelque chose pour que naisse une prise de conscience et que chaque personne possédant une collection ou quelques tableaux se demande: qu'est-ce que j'ai à la maison? Est-il possible que ce soit entré injustement en ma possession et que je doive donc faire quelque chose?"

Selon un rapport du Congrès américain, environ 600'000 oeuvres d'art ont été volées par les nazis entre 1933 et 1945, dont un tiers rien qu'en Allemagne et en Autriche.

English translation:

For almost 25 years, a commission has been investigating public collections in Austria to find works of art looted by the Nazis. The country is now setting an example in the restitution of works of art to the families who lost them.

In 1998, a law set up a special commission in Austria made up of a dozen researchers. Their mission is to inspect the country's public collections to identify objects and works of art looted by the Nazis in order to return them.

"We are not waiting for a claim to be filed (...), our mission is to systematically examine all objects and acquisitions made during the Nazi period but also between 1933 and 1938 as well as in the immediate post-war period," explained one of the members of the commission on Monday on the RTS programme Tout un monde.

"Working on small collections is more complicated

For almost 20 years, Leonhard Weidinger has been probing the reserves of the Museum of Applied Arts in Vienna (MAK). "We look at each piece and try to find documents for each of them. Then I can tell if an object has potentially been looted," he continues.

For large collections, such as the Rothschild collection, this work has largely been done already, although it is still open. Today, Leonard Weidinger is working on smaller collections, for which there are fewer clues. "Working on small collections, for which there are no inventories or photos, is more complicated. They have been dismantled and resold," he says.

More than 62,000 pieces already returned

These researchers do not work for the museums but for the commission. And their findings are examined by a council, which then decides whether or not to return them. This guarantee of independence has made it possible to order the restitution of more than 62,000 pieces in 20 years.

These may be masterpieces, but also much more modest everyday objects. One example is a collection of Mandlbögen (miniature paper theatres) that Austria recently returned to Maria Hochreiter. It belonged to her great-uncle Moriz Grünebaum, who was deported and died in the Theresienstadt ghetto in 1942.

The restitution of a past kept under wraps


"I was not only given back Mandlbögen," she explains. "Through my great-uncle's biography, I learned a lot about my own family. So it's the restitution of a person, but also of my family and of a past that was kept under wraps.

This work is welcomed by the Israelitische Kultusgemeinde Wien (IKG), an organisation representing Austrian Jews, for which Erika Jakubovits works. A great deal of work is being done to inspect public collections, she acknowledges, but the debate should also be opened on looted works that are now in the possession of institutions and private individuals.

"Everyone must do something

"The private domain is a big unknown, because we don't know how many works are in private possession and how they got there," says Jakubovits. "Everyone has to do something to raise awareness and make everyone with a collection or a few paintings ask themselves: what do I have at home? Is it possible that it has come into my possession unjustly and that I should therefore do something about it?

According to a report by the US Congress, about 600,000 works of art were stolen by the Nazis between 1933 and 1945, a third of them in Germany and Austria alone.

https://www.rts.ch/info/monde/13061910-lautriche-modele-pour-la-restitution-de-lart-spolie-par-les-nazis.html
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