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A Rouen, 9 tableaux spoliés par les nazis à la recherche de leurs propriétaires

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Le Parisien 31 August 2020

Par Frédéric Durand

Le Musée des Beaux-Arts de Rouen (Seine-Maritime) expose 9 tableaux volés par les nazis pendant la Seconde Guerre mondiale. Il lance un appel à leurs propriétaires.


Le conservateur Diederik Bakhuÿs est en charge des tableaux spoliés par les nazis.

Le terme allemand « Raubkunst » est peu connu, mais l'opération plus médiatisée. À partir de 1933 et jusqu'à la fin de la Seconde Guerre mondiale, les Allemands se sont lancés dans une dépossession massive et planifiée des œuvres d'art pour le compte du projet « Führermuseum » d'Adolf Hitler et la collection personnelle du dignitaire nazi Hermann Göring. En France, le pillage des collections privées, publiques et la spoliation de familles, notamment juives, ont touché plus de 100 000 œuvres d'art. Après l'Armistice, seulement 60 000 environ sont revenues en France.

2000 œuvres réparties dans les musées français

Sous l'impulsion de la CRA (Commission de Récupération Artistique) et surtout de Rose Valland, attachée de conservation du Musée du Jeu de Paume à Paris qui, comme acte de Résistance a tenté de connaître l'origine et les destinations des spoliations pendant l'occupation, 45 000 toiles, sculptures, meubles et autres objets ont été restitués à leurs propriétaires. En revanche, près de 13 000 œuvres dont les propriétaires ne sont pas identifiés sont vendues aux enchères par le Service des domaines. Les pièces de plus grande valeur, soit 2 058 œuvres, sont, non pas vendues, mais inscrites, en 1949, sur des listes dites « MNR » (Musées Nationaux Récupération) et du ministère de la Culture dans l'attente d'être réclamées, puis réparties dans plusieurs musées de l'Hexagone.

Au Musée des Beaux-Arts de Rouen (Seine-Maritime), « nous comptons 9 toiles, explique Diederik Bakhuÿs, le conservateur en charge des peintures et sculptures anciennes. À l'époque, les envois se sont faits selon des critères en cohérence avec les collections et non selon l'origine des spoliations. » Elles sont donc visibles par le grand public, « mais n'appartiennent pas au Musée. Selon une loi du Gouvernement Provisoire du Général de Gaulle de 1943, toutes les confiscations, saisies ou ventes sous la contrainte opérées par les nazis sur le territoire français sont considérées comme illégales ».

Géricault, Corot, Friesz, Monet…

A Rouen, en 1951 est arrivé le tableau « Les quais marchands de Rouen » de Jean-Baptiste Corot. Suivront en 1954, « Neige à Paris » de Stanislas Lépine, « La Seine à Vétheuil », « Nature morte au faisan » et « Champ de coquelicots » de Claude Monet et « Madame Guillaumin Cousant » d'Armand Guillaumin. Puis, en 1960, la « Femme assise dans un jardin » d'Achille Émile Othon Friesz ainsi qu'en 1964, « Le retour de la course » de Théodore Géricault.

Un tableau a quant à lui connu une aventure toute particulière. Livrée en 1995 au Musée des Beaux-Arts, la toile « Route, effet de neige, soleil couchant », peint en 1869 par Claude Monet, était la propriété d'un des premiers collectionneurs rouennais de l'impressionnisme François Despeaux. La dernière trace de l'œuvre remontait à 1932 « et elle réapparaît en 1994 lors d'un sommet Franco-Allemand après la chute du bloc de l'Est quand le Chancelier Helmut Kohl restitue 28 toiles au Président François Mitterrand, narre Diederik Bakhuÿs. On connaît maintenant son histoire. Le tableau a été confié par un officier nazi en poste à Paris à un paysan allemand. L'officier n'est jamais revenu et l'Allemagne de l'Est s'est fermée. Plus tard, lors d'une confession, le paysan le donne à son évêque qui lui-même le confie aux autorités communistes. La toile de Monet finira dans un musée à Berlin Est où il ne fallait pas parler de ses origines. Et voilà, à la chute du mur, Effet de Neige est redécouvert ».

Faire la preuve de la propriété

Avec les années qui passent, « ce sera de plus en plus difficile de retrouver des ayants droit, estime Diederik Bakhuÿs. Si quelqu'un revendique un tableau, il faut qu'il apporte des preuves par des documents, des photographies. Le musée s'occupera des procédures et n'aura aucune volonté de rétention. Il sera remis immédiatement. Il faut savoir qu'il n'y a pas de délai. Dans les galeries du Musée des Beaux-Arts, chaque peinture est indiquée et les informations sont sur un cartel. Nous avons vraiment la volonté de retrouver les propriétaires. Il y a aussi la possibilité de consulter le site du ministère où un portail est dédié aux œuvres spoliées. Malheureusement, depuis leur arrivée, nous n'avons jamais restitué une toile », déplore le conservateur.


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