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Une famille juive avait été spoliée d’un tableau d’Utrillo conservé au musée

1998
1970
1945
La Gazette du Val d'Oise 18 April 2018
Par Daniel Chollet

Sans le savoir, la Ville de Sannois a acquis en 2004, chez Sotheby's, un tableau d'Utrillo issu d'une spoliation sous l'Occupation. La Ville va le restituer à la famille.

18 septembre 2004 : Yanick Paternotte, alors maire de Sannois et 1er vice-président du Conseil général, et François Scellier, président du Conseil général, accueillent la toile Carrefour à Sannois au musée Utrillo-Valadon

La toile Carrefour à Sannois a été peinte en 1936-1937 par Maurice Utrillo au cours de sa période dite colorée.

Un épisode sombre de l’Occupation refait surface. Celui de la spoliation des Juifs durant la Seconde Guerre mondiale.

La Ville va devoir restituer un tableau qu’elle avait le plus légalement du monde acheté aux enchères le 22 juin 2004, chez la prestigieux maison Sotheby’s à Londres, pour 90 000 €.

Une œuvre qui appartenait à une famille juive, qui en a été spoliée. Carrefour à Sannois, peint par Maurice Utrillo, a ainsi enrichi la collection du musée de la Ville pendant près de 14 ans. « Je suis très tristement surpris », confie Yanick Paternotte, à l’époque maire (Ump) de Sannois et premier vice-président du Conseil général du Val-d’Oise. Le Département avait financé aux deux tiers l’acquisition de ce tableau. 

« Il n’était pas très cher, ce n’était un tableau de la période blanche »

« Il n’était pas très cher, ce n’était un tableau de la période blanche », se souvient l’élu. Le tableau a été peint en 1936-37. C’est la période colorée du peintre. La période blanche, plus ancienne, remonte aux années 1909-1914.

« C’est fou !, reprend Yanick Paternotte. C’est choquant et même affligeant. Les certificats qui nous ont été donnés sont vérifiés. Les propriétaires successifs connus. On n’imagine pas qu’on ne puisse pas faire confiance à une maison comme Sotheby’s. Ils sont responsables. La Ville et le Conseil général sont victimes.»

« Acquise de bonne foi »

L’avocat de la famille a contacté la municipalité il y a un an. Le maire (Lr), Bernard Jamet, reconnaît avoir été tout aussi « surpris. Au début, on n’était pas sûr, mais le doute a été levé à la suite d’une enquête menée par une commission du ministère de la Culture ».

Bernard Jamet, qui promet de rendre le tableau « incessamment », compte bien « prendre contact avec Sotheby’s pour leur expliquer leur erreur. La responsabilité leur incombe. Pour la Ville et le Conseil général, il y a un préjudice moral et financier. Le tableau a quand même été acheté 90 000 € de bonne foi. » Pas question pour l’instant d’une action en justice contre Sotheby’s.

On peut être surpris de voir encore surgir ce type d’affaire. 

« Comme disait Simone Veil, en rentrant des camps, on ne parlait pas. Ce sont les petits-enfants qui aujourd’hui veulent savoir, engagent des procédures et arrivent à trouver des biens spoliés qui se sont baladés partout en Europe et dans le monde. Je suis sûr qu’il y a encore de nombreuses œuvres volées aux Juifs en Amérique du Sud », explique Bernard Jamet.

On estime qu’en France, 100 000 objets d’art ont été volés aux Juifs pendant l’Occupation. Sur les 63 000 œuvres rapatriées d’Allemagne depuis 1945, 45 400 tableaux ont été rendus à leurs héritiers. 13 000 autres œuvres, non identifiées, vendues aux enchères.

100 000 objets d’art volés aux Juifs

Un groupe de travail a été nommé en mars 2013 pour retrouver les propriétaires ou leurs ayants droit. Le public a encore un peu de temps pour admirer Carrefour à Sannois au musée Utrillo-Valadon, avant qu’il ne reparte dans une famille qu’il n’aurait jamais dû quitter.

Utrillo, le peintre de Montmartre, a peint Carrefour à Sannois en 1936-1937, en se basant sur une carte postale. La toile représente le carrefour entre l’ex-nationale 14 (aujourd’hui boulevard Charles-de-Gaulle) et la rue Clémenceau. On reconnaît la maison à gauche sur le tableau. Maurice Utrillo a peint ses plus belles toiles, celles de la période blanche, quand il a séjourné à Sannois, entre 1912 et 1914. L’artiste a fréquenté la clinique du Dr Léon-Victor Revertégat au 17, avenue Rozée, pour y soigner son addiction à l’alcool. À Sannois, il trouva la quiétude et l’inspiration nécessaires à son art. En compagnie d’un infirmier qui lui portait son chevalet, il déambulait dans les rues. Utrillo peindra 150 toiles à Sannois.

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