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L’enjeu de la collection Gurlitt se précise encore - The gamble of the Gurlitt Collection becomes even clearer

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L'Agefi 4 November 2014

Accepter ou non l’héritage du marchand d’art allemand est bien plus qu’une question politique. Pour le Kunstmuseum de Berne (au centre des débats) également.

Le Congrès juif international tient visiblement à ce que les quelque 1500 œuvres de la collection Gurlitt restent en Allemagne et ne partent pas au Kunstmuseum de Berne, qui en est le dépositaire testamentaire. L’ancien président du Congrès, Ronald Lauder, à la tête du World Jewish Restitution Organization depuis 2008, s’en est expliqué dans la dernière édition du Spiegel, dans une interview croisée avec Monika Grütters, déléguée du gouvernement allemand pour la culture.

Pourquoi ces œuvres, réunies en partie dans le contexte des exactions nazies, ne doivent-elles pas quitter le sol allemand? En premier lieu parce que la collection apparait comme un levier inespéré dans la joute d’influence qui oppose le Congrès juif et le gouvernement allemand, depuis des décennies, sur les restitutions d’œuvres spoliées. Avec assez peu de succès, puisque l’Allemagne résiste toujours à mettre en place un instrument systématique, ni dans l’étude des fonds de musées publics, ni dans l’appareil juridique général pour ce qui concerne les œuvres en mains privées.

Il y a bien eu quelques efforts. Une Taskforce a été mise en place en novembre 2013. Le ministre de la justice de Bayern a récemment déposé une motion visant à régler le problème par sa dimension fiscale. Il y a eu aussi le feu vert accordé au futur centre de Magdeburg, doté de six millions d’euros dès 2015. Pas assez selon Ronald Lauder, qui évoque en interview l’immense carence en moyens, en compétence et en volonté de clarifier la situation, malgré l’évidence des exactions. Les Etats-Unis constituant de ce point de vue le modèle à suivre, en matière juridique et de transparence.

Il y a aussi toute la dimension morale et symbolique, qui nécessite plus encore que la question soit réglée en priorité et définitivement en Allemagne. Dans ce contexte, la collection Gurlitt pourrait s’avérer un soutien considérable pour le Congrès. Le levier d’influence est puissant, avec un corpus d’œuvre énorme et une publicité mondiale.

Partant, on peut vraiment se demander ce que le Kunstmuseum de Berne aurait à gagner à accepter une telle collection. Ronald Lauder met en garde l’institution, qui se trouverait submergée de procédures et prendrait un risque éthique majeur. Avec une pointe de cynisme peut-être, Ronald Lauder nuance toutefois: «Nous serions plus qu’heureux (que Berne accueille la collection). Cela ouvrirait la Suisse à nos chercheurs et à nos juristes.» In fine, le conseil devra surtout décidé s’il est de la vocation du musée d’entretenir une armada d’experts pour gérer ce lourd héritage. (SG)

http://www.agefi.com/une/detail/archive/2014/november/artikel/accepter-ou-non-lheritage-du-marchand-dart-allemand-est-bien-plus-quune-question-politique-pour-le-kunstmuseum-de-berne-au-centre-des-debats-egalement-385266.html
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