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Allemagne: découverte d'œuvres d'art volées aux juifs, au milieu d'ordures

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AFP 4 November 2013

Le mystère s'épaississait lundi en Allemagne après l'annonce de la découverte en 2011 dans un appartement plein d'ordures, de 1.500 œuvres signées Picasso, Matisse ou Chagall, certaines ayant appartenu à des juifs spoliés par les nazis.

Une personne lit l'hebdomadaire Focus qui a révélé l'affaire des oeuvres d'arts, confisquées aux juifs par les nazis retrouvées dans un appartement, le 4 novembre 2013 à Berlin afp.com - John MacDougall

Les autorités ont admis travailler depuis des mois sur cette affaire révélée dimanche par l'hebdomadaire Focus, mais observaient un mutisme presque complet, renvoyant au parquet de la ville bavaroise d'Augsbourg, qui a annoncé une conférence de presse pour mardi.

"Je pense que c'est la plus grande découverte de tableaux volés dans le cadre de l’Holocauste depuis des années", a déclaré dans un entretien avec l'AFP Julian Radcliffe, président du Registre des œuvres d'art perdues, dont le siège est à Londres, même s'il ne semblait pas disposer d'une liste des œuvres concernées.

Focus a estimé à plus d'un milliard d'euros les 1.500 dessins, croquis et tableaux, mais une experte travaillant sur l'affaire a jugé impossible toute évaluation.

Le gouvernement allemand a admis être au courant "depuis plusieurs mois" de la découverte, par la voix de son porte-parole Steffen Seibert. Il a affirmé tout ignorer d'éventuelles demandes de restitution.

Les douaniers allemands avaient trouvé, au printemps 2011, ces dessins et tableaux, dont la plupart étaient considérés comme perdus, dans un appartement munichois où s'amoncelaient également ordures et boîtes de conserve périmées, parfois depuis près de 30 ans.

"Les conditions climatiques (de stockage) étaient une catastrophe pour les œuvres d'art" mais celles-ci n'ont "pas été gravement endommagées", a raconté lundi à l'AFP un témoin de la découverte ayant requis l'anonymat.

Dans l'appartement vivait Cornelius Gurlitt, un octogénaire, manifestement atteint de syllogomanie, trouble obsessionnel qui pousse à une accumulation compulsive d'objets divers.

Il avait été contrôlé en septembre 2010 par les douanes allemandes non loin d’Augsbourg, dans un train reliant la Suisse à l'Allemagne, avec 9.000 euros en liquide dans une enveloppe, selon Focus.

Tout cela était parfaitement légal, mais les enquêteurs, intrigués, avaient fini par obtenir quelques mois plus tard l'autorisation de perquisitionner chez lui.

Selon les premiers éléments de l'enquête révélés par Focus, M. Gurlitt vivait depuis des décennies sans "existence légale" en Allemagne, et sans travail.

Il subvenait à ses besoins grâce à la vente occasionnelle d'œuvres à des galeristes peu regardants sur l'origine.

Intuition

La galerie d'art Kornfeld, à Berne, a ainsi reconnu dans un communiqué avoir vendu des dessins proposés par Cornelius Gurlitt, la dernière fois pour quelque 40.000 Francs suisses (32.500 euros), en 1990.

Ces oeuvres "provenaient vraisemblablement" de collections saisies par les nazis, rachetées à bas prix par Hildebrand Gurlitt, le père de Cornelius, a admis Kornfeld, tout en soulignant que "leur commerce ne peut être contesté" juridiquement.

Cornelius avait hérité de la collection de son père, un marchand d'art mort en 1956.

Menacé dans un premier temps, notamment parce qu'il avait une grand-mère juive, Hildebrand Gurlitt avait servi le régime hitlérien en écoulant à l'étranger des œuvres volées ou saisies.

Une part importante du "trésor" retrouvé proviendrait donc de la spoliation de juifs.

Selon Focus, au moins 300 oeuvres avaient par ailleurs été saisies par les nazis au motif qu'elles étaient considérées comme de "l'art dégénéré" et au moins 200 font l'objet de demandes officielles de recherche.

Les autorités allemandes ont maintenu le secret en raison de la tâche immense que représentent l'identification des œuvres et la recherche des ayants-droit, affirme l'hebdomadaire.

Parmi elles se trouverait ainsi un tableau d'Henri Matisse ayant appartenu au collectionneur juif Paul Rosenberg, forcé d'abandonner sa collection lorsqu'il a fui Paris, et dont l'héritière légitime est la journaliste française Anne Sinclair, écrit Focus.

Le long silence des autorités allemandes était critiqué lundi par des spécialistes.

"Il y a un manque total de transparence et nous espérons qu'ils vont, dans les prochains jours, communiquer, publier une liste et donner un calendrier pour la restitution des œuvres", a déclaré Anne Webber, fondatrice et directrice de la Commission pour les œuvres d'art pillées en Europe.

Le président du Conseil central des juifs allemands, Dieter Graumann, a demandé que les recherches soient menées aussi rapidement et complètement que possible, pour que les propriétaire légitimes ou leurs héritiers soient identifiés, dans un entretien à la presse allemande.

Néanmoins, contrairement aux musées, les particuliers ayant hérité légalement d’œuvres ne sont pas liés par l'Accord de Washington sur la restitution d’œuvres volées aux juifs. Le parquet d'Augsbourg n'enquête d'ailleurs que sur un soupçon de fraude fiscale.



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