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Ces tableaux " de la guerre " rendus à leurs propriétaires

1998
1970
1945
La Nouvelle République 15 February 2013
Par Olivier Pouvreau

Deux des vingt et une œuvres classées MNR, en déshérence, du musée des Beaux-Arts de Tours. Le tableau de gauche (de Franz Karl Palcko) sera rendu à son propriétaire prochainement. Deux des vingt et une œuvres classées MNR, en déshérence, du musée des Beaux-Arts de Tours. Le tableau de gauche (de Franz Karl Palcko) sera rendu à son propriétaire prochainement. - (Photo NR, Patrice Deschamps)

La France rend sept tableaux spoliés à des familles juives durant la guerre dont un, exposé au musée des Beaux-Arts à Tours… qui en possède vingt autres.

Son nom, l'Apothéose de Saint-Jean-Népomucène. Signé Franz Karl Palcko, artiste allemand du XVIIIe siècle. Cette huile sur toile exécutée vers 1754 est une esquisse qui était destinée aux décors préparatoires de la voûte de l'église de Dresde, et qui fait office aujourd'hui de témoignage car cette église n'a pas résisté aux bombardements de 1945.

Ce tableau est exposé au musée des Beaux-Arts de Tours. Il a une « valeur importante » selon Sophie Join-Lambert, conservatrice en chef. Et il a une belle histoire qui vient d'éclater au grand jour.
L'œuvre classée en déshérence, « MNR » (Musées nationaux récupération), aurait pu finir ses jours dans le musée rêvé d'Adolf Hitler à Linz (Autriche). Finalement, elle va être restituée à son propriétaire, une famille juive spoliée durant la Seconde Guerre. Comme quoi, l'Histoire avec un grand « H » réserve aussi de curieux et souriants rebondissements.

 " Heureuse et triste "

Le propriétaire, Richard Neumann, chef d'une famille juive autrichienne, industriel dans le textile, fuit Vienne avec sa femme et sa fille pour échapper à la barbarie des Nazis. Il se réfugie en France mais dès la fin 1941, il est à nouveau en danger. Il s'exile à Cuba et brade toute sa collection artistique pour payer ses passeurs.

A la Libération, l'homme revient sur le Vieux Continent et se préoccupe de son patrimoine culturel abandonné. Entre-temps, les Alliés ont retrouvé des milliers d'objets spoliés en Allemagne vaincue, beaucoup de peintures classiques italiennes, hollandaises, allemandes, dont les tableaux de Richard Neumann, et les ont rendus à la France, entre autres.

Les décennies ont passé, avec toute la difficulté de soulever le couvercle de plomb recouvrant ces années noires 1939-1945. Fin 1990, la commission Mattéoli s'occupe du cas Neumann dont le petit-fils, Tom Selldorff, a pris le relais. Une historienne autrichienne se lance dans la bataille des recherches et démarches.

Sur les sept tableaux spoliés qui vont être rendus prochainement, il y a donc l' « Apothéose » du martyr de Franz Karl Palcko, confié par le Louvre au musée des Beaux-Arts de Tours en 1965. « Nous sommes dépositaire de vingt tableaux et une tapisserie classés MNR, révèle la conservatrice. Des œuvres qui sont arrivées ici en trois lots, en 1952, 1958 et 1965. Et nous avons obligation de les exposer en permanence. Tout s'est toujours fait en toute transparence. »

« Pour L'Apothéose, j'ai été informée il y a un an que le dossier de restitution était sérieux. J'espère que le propriétaire viendra le chercher, ici à Tours. On organisera une cérémonie. J'ai un sentiment mêlé, de joie pour le propriétaire qui retrouve ce bien familial après tant d'années, et de tristesse de voir partir cette œuvre magnifique » conclut Mme Join-Lambert. Les Tourangeaux qui veulent voir « L'Apothéose » n'ont plus de temps à perdre, eux non plus !

" Goering en personne à Chenonceau "

C'est avec la Direction des musées de France et grâce à Internet que ces recherches sur les objets spoliés, environ 100.000 pour la France, aboutissent. « Ces restitutions d'œuvres sont légitimes. Ce n'est pas de la repentance. Mais il faut se dépêcher car le temps passe » explique l'historien tourangeau Eric Alary, spécialiste de la Ligne de démarcation et du quotidien des Français durant la dernière guerre : « Sur les 76.000 Juifs de France déportés, 2.500 ont survécu. Les Nazis ont volé des milliers d'œuvres d'art. On m'a raconté en Touraine qu'Hermann Goering en personne est venu à Chenonceau début 1941. Lui-même s'est intéressé à ce phénomène. La France est très en retard sur ces restitutions mais avec les inventaires numériques, cela peut aller très vite maintenant ». Le commissaire-priseur Philippe Rouillac souhaite une « grande exposition publique » de tous les objets spoliés classés MNR, « comme aux États-Unis ».

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